Nous connaissons très mal la plupart des animaux fossiles, mais les mammouths font exception puisque nous avons tous une image en tête en évoquant ce nom. Peut-être parce que les premiers humains ont vu ces mammifères de leurs propres yeux, ce qui nous fait un peu frissonner en pensant qu’il s’agit d’une disparition récente.
Les mammouths appartiennent à la même famille que les éléphants, celle des Elephantidae. Ce sont des cousins des mastodontes, c’est-à-dire d’autres espèces de familles aujourd’hui disparues († Mammutidae, † Gomphotheriidae, † Stegodontidae et † Palaeomastodontidae). Comme beaucoup de noms vernaculaires, le nom commun “mastodonte” porte plutôt à confusion puisqu'il a été utilisé pour désigner plusieurs entités à la fois (voir nomenclature).
Toutefois, il faut être conscient que le nom “mammouth” réfère en fait à un GENRE fossile (figure 1) (le genre † Mammuthus, dans la famille des Elephantidae) qui contient 10 espèces ! Il y a donc eu 10 sortes de mammouths selon les connaissances actuelles, et encore, il n’y a pas unanimité sur le sujet puisque certains paléontologues en reconnaissent plutôt 16. Toutes ces espèces n’ont pas vécu sur Terre en même temps; la présence des plus anciennes remonte à 5 millions d’années et les plus récentes sont disparues il y a environ 4000 ans. Ces espèces n'avaient pas toutes la même taille, une des plus grandes faisait 5 mètres et certaines espèces dites “naines”, étaient plus petites que les humains. Toutefois, les mammouths possédaient une allure similaire à celle des éléphants : une grande taille (sauf les espèces naines), une trompe et deux défenses en ivoire. Les plus anciennes espèces auraient évolué en Afrique [† Mammuthus subplanifrons (Osborn 1928)], puis des espèces descendantes se sont propagées vers le nord et ont ainsi couvert l'Eurasie. D’autres ont migré vers l'Amérique du Nord pour se diversifier, particulièrement † Mammuthus columbi (Falconer 1857) et † Mammuthus primigenius (Blumenbach 1799).
L’espèce la plus récente est le Mammouth laineux († M. primigenius) qui est souvent notre référence lorsque nous pensons aux mammouths (figure 3). Cette espèce est originaire de la Sibérie et s’est répartie jusqu’en Amérique du nord par le détroit de Béring. Cet animal était couvert de poils, ce qui le rendait bien adapté au froid hivernal. Ses oreilles et sa queue, plus courtes, étaient adaptées pour éviter les engelures. Cette espèce était pourvue de longues défenses qui mesuraient jusqu’à 4,2 mètres de longueur et il utilisait sa trompe pour manipuler objets et nourriture. Les mammouths étaient des herbivores qui se nourrissaient d'herbes et de plantes basses. Les données actuelles indiquent que ces animaux pouvaient probablement vivre jusqu’à 60 ans.
La répartition géographique des mammouths est quelque peu surprenante et ne correspond pas toujours à notre perception. Bien sûr, beaucoup de fossiles de † M. primigenius ont été trouvés dans les sols gelés de Sibérie et du nord de l'Amérique du Nord, probablement parce que cette disparition est plutôt récente et qu’il y aurait eu beaucoup d’individus. Mais des fossiles trouvés sur Channels Island en Californie près de Los Angeles, ou encore au Costa Rica nous semblent des localités bien étonnantes. Il s’agissait cependant d’autres espèces que le Mammouth laineux. † Mammuthus primigenius est l'espèce de mammouth qui aurait disparue la dernière. Une population se serait maintenue sur l'île Wrangel au nord de la Sibérie près de l'Alaska et aurait disparu il y a environ 4000 ans (entre 5700 et 1700 ans). Au pic de son existence, elle avait aussi une très vaste répartition géographique : de l’est de l'Europe (France, Espagne) jusqu'au sud des Grands Lacs au Canada (incluant le nord de l’Asie, le nord-ouest de la Russie, l’Alaska, le nord-ouest du Canada). L’autre espèce commune en Amérique du nord, † M. columbi, aurait plutôt couvert un territoire au sud de celui de † M. primigenius, couvrant la plus grande partie des États-Unis, le Mexique jusqu’en Amérique centrale.
† Mammuthus primigenius est une des espèces les mieux étudiées pour un animal disparu à cause des carcasses conservées dans la glace de la Sibérie et de l’Alaska. Nous savons que ces mammouths vivaient au sein de groupes familiaux matriarcaux, c’est-à-dire dirigés par les femelles. Ils ont cohabité avec les premiers humains qui les ont illustrés sur les murs des cavernes qu’ils habitaient (voir peintures rupestres). Les humains les ont aussi chassés pour se nourrir.
Toutefois, un des aspects les plus surprenants à propos des mammouths demeure leur récente disparition, à une période où les humains avaient peu à voir avec la disparition d’espèces. Une des théories les plus acceptées serait que ces animaux étaient associés aux conditions et habitats de la planète pendant une période plus froide. Avec le réchauffement des conditions climatiques de l’époque et les changements dans les écosystèmes qui leur procuraient de la nourriture (nommés steppes à mammouths), les différentes espèces auraient lentement disparu. Cependant, le cas de † M. primigenius en laisse plusieurs perplexes, puisque la disparition des dernières populations semble avoir été très subite. Certaines carcasses ont montré la présence d'herbes non décomposées dans la bouche et l’estomac d’un Mammouth laineux, ce qui laisse croire à une mort subite. Il n’est cependant pas possible de déterminer si cet individu est mort d’un accident ou d’une catastrophe qui aurait éliminé les derniers mammouths. Il s’agit d’une espèce qui occupait d’immenses territoires; sa raréfaction graduelle semble liée au réchauffement des conditions générales pour une espèce adaptée aux conditions froides. On s’entend en général pour blâmer des changements planétaires qui se seraient déroulés sur une période de 1000 ans, ce qui en géologie est un changement rapide.
Les fossiles de mammouth entier sont rares (figure 2), mais les dents de mammouths (figure 4) sont plutôt courantes. Les carcasses de Mammouths laineux conservées dans la glace de Sibérie ont permis de récupérer de l’ADN en assez bon état pour être séquencé. Il s’agit de la séquence d'ADN d'un animal éteint le plus ancien à ce jour. Certains proposent d’utiliser cette information pour “produire” à nouveau des mammouths, comme pour générer à nouveau les dinosaures dans le film Jurassic Park. Nous n’en sommes pas encore à cette étape, mais l'information génétique obtenue a été utilisée pour démontrer que les mammouths ne sont pas les ancêtres des éléphants, mais qu’ils sont plus similaires aux Éléphants d’Asie (Elephas maximus Linnaeus 1758) qu'aux Éléphants d’Afrique [Loxodonta africana (Blumenbach 1797)].
Dans la bande dessinée, nos héros croisent un fossile de mammouth dans la caverne, ce qui est possible au Texas. Toutefois les fossiles aussi complets sont peu probables, mais des dents de mammouths sont quelquefois trouvées, probablement appartenant à l’espèce † M. columbi si on se fie à la répartition géographique connue (figure 2).
Auteur : Pierre Paquin
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