Figure 1. Dans la bande dessinée, Amina précise qu’il n’y a pas de bestioles troglobies au Québec. Cette affirmation est supportée par l'histoire glaciaire de l’Est de l'Amérique du Nord et à ce jour, il faut aller les chercher au sud de la limite de la dernière grande glaciation. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

Les animaux spécialistes des cavernes se nomment des troglobies et ces espèces se rencontrent UNIQUEMENT dans les cavernes, nulle part ailleurs. Ces animaux possèdent des corps parfaitement adaptés aux conditions des cavernes (sans yeux, pâles et translucides et possèdent souvent une forme et des appendices allongés). Ces bestioles sont aussi très fragiles et ne peuvent subsister aux conditions de chaleur et de lumière de l’extérieur des cavernes. Ils sont souvent rares, d’un grand intérêt à cause de leur fragilité et de leur endémisme, et présentent un intérêt tout particulier pour les scientifiques qui tentent de comprendre les mécanismes qui permettent à la vie d’évoluer et de s’adapter.   

Affinités pour les cavernes au Canada et au Québec

Au Québec et au Canada, aucune espèce spécialiste des cavernes (troglobie) n'a été récoltée à ce jour, quoique quelques stygobies (des espèces associées aux milieux aquatiques souterrains, voir le blogue troglobie) soient connues de l'Ouest canadien. Certains pourraient penser qu'il s'agit là d'une simple lacune d'échantillonnage, mais cette absence est soutenue par les connaissances géologiques et l’histoire géographique de notre continent (figure 1). L'absence de tels spécialistes sur tout ce territoire s'explique par l'histoire glaciaire. En effet, pendant une période de 80 000 à 100 000 ans, appelée Grand Âge Glaciaire, le Québec et une très grande partie du Canada ont été ensevelis sous une épaisse couche de glace, l'inlandsis laurentidien (figure 2). Cette période a été assez longue pour entraîner l'élimination complète de toutes formes de vie des cavernes de cet immense territoire recouvert par la glace. 

La fonte du glacier et le retrait de la glace vers le nord, amorcés il y a environ 14 000 ans, ont rendu progressivement les cavernes canadiennes accessibles à la faune. Toutefois, les espèces troglobies ne pouvant pas, par définition, survivre aux conditions de température et d'humidité hors des cavernes, elles n'ont pas pu coloniser les cavernes à partir des localités du sud épargnées par les glaces. Typiquement, en Amérique du Nord, on ne trouve des troglobies qu'au sud de la limite de la glaciation, c'est-à-dire dans les régions des États-Unis qui n'ont pas été recouvertes par la glace durant cette ère géologique. À l’Est, la limite du Wisconsin, des rivières Missouri et Ohio et de l'État de New York (incluant une vaste région entourant les grands lacs, et à l'ouest, le Montana (figure 2). Ce type de limite de répartition géographique des troglobies est comparable avec la situation en Europe, où les troglobies ne se trouvent pas dans la portion plus nordique du continent.

De plus, la période de temps écoulée depuis le début du retrait des glaces, 14 000 ans, est d’une durée beaucoup trop brève pour permettre les mécanismes de spéciation (formation d'espèces distinctes), qui elle, se produit sur une échelle de temps beaucoup plus longue, qu'on évalue habituellement en millions d'années. À la lumière des connaissances actuelles, la présence de troglobies dans l'Est du Canada et au Québec semble improbable, à moins que certaines cavernes aient échappé aux glaciations et que la faune associée y ait survécu. Peut-être un jour, aurons-nous la surprise de la découverte d’un troglobie au nord de cette célèbre limite de glaciation, mais pour l‘instant, nous pouvons affirmer que leur présence est douteuse même si toutes les cavernes n’ont pas été explorées dans ce territoire.

Figure 2. Répartition géographique approximative de la couverture de glace qui a couvert le Québec et le Canada lors de la dernière période glaciaire, l’inlandsis laurentien (bleu pâle). Pour trouver des espèces troglobies, il faut chercher au-delà de la limite sud de cette couverture de glace, qui a commencé à fondre il y a 14 000 ans. (Crédit : Pierre Paquin).

Il faut toutefois préciser qu’on trouve bel et bien des êtres vivants dans les cavernes du Québec et du Canada, mais ce ne sont pas des espèces troglobies (qui vivent exclusivement dans les cavernes) mais plutôt des espèces troglophiles (qui ont des affinités pour les cavernes) ou des trogloxènes (qui s’y trouvent par accident).

Auteur : Pierre Paquin

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis