Figure 1. Le nom chauve-souris désigne l’ordre des chiroptères qui contient plus de 1 400 espèces connues. (Crédit : Pierre Paquin).

À propos du nom

Lorsque nous nous référons à une chauve-souris, beaucoup des gens croient que nous parlons d’une seule espèce animale. Pourtant la réalité est tout autre puisque le nom commun “chauve-souris” réfère en réalité aux chiroptères (Chiroptera), un ORDRE parmi les 29 ordres de mammifères. Les chauve-souris représentent 1 400 espèces distinctes (figure 1), soit 20% de tous les mammifères connus. Cette précision est importante car il est bien connu que les noms communs (vernaculaires) peuvent parfois mener à de la confusion au plan taxonomique (voir nomenclature). De plus, le nom “chauve-souris” n’est ni plus ni moins qu’une erreur de traduction qui s’est transmise jusqu’à nous. En effet les chauves-souris ne sont pas chauves et n’ont aucun lien de parenté avec les souris, qui sont des rongeurs. À l’origine, ce nom provient du grec cawa et sorix, qui, traduits littéralement, donnentchouette” et “souris”. La portion cawa (chouette) fait référence au fait que ces animaux sont actifs la nuit, et sorix parce que certaines petites espèces peuvent ressembler à des souris. La combinaison cawa / sorix a été mal traduite et/ou déformée avec le temps, pour se transformer en calva-sorix, calva signifiant chauve (comme dans calvitie), puis francisé par chauve-souris, bien que les deux termes du nom soient dans ce cas, fautifs. 

Le nom chiroptère est non seulement un terme approprié, mais aussi informatif. Ce nom vient aussi du grec : chiro- qui veut dire “main” et de -pteron qui veut dire “aile”. Le nom chiroptère fait donc référence au fait que cet animal vole avec ses mains. La figure 2 montre une chauve-souris en vol et nous pouvons y voir que l’aile est en fait une mince couche de peau qui relie les doigts de la main et cette main au reste de son corps. On remarque que la bordure antérieure de l'aile est constituée de deux doigts rapprochés, ce qui donne une plus grande robustesse à la marge de l’aile. On peut voir facilement les doigts 3 et 4, et on remarque le doigt #5, le pouce qui est modifié en une sorte de crochet qui sert à l’animal à s’agripper aux branches d’arbres ou à des surfaces rocheuses comme le plafond des cavernes. D’ailleurs, est-ce que la forme 4 doigts et 1 pouce vous semble familière ? Bien sûr, la main des humains est bâtie à partir du même modèle : 5 doigts ! Et, comme tous les vertébrés, les chiroptères possèdent 4 membres pour se déplacer (dans des versions plus ou moins modifiées) cet attribut est une conséquence de nos ancêtres communs nommé tétrapodes.

Les chiroptères sont des mammifères

Les chiroptères constituent un ordre de mammifère, ils ont donc plusieurs caractères en commun avec les autres animaux de cette classe : ils ont des poils, le sang chaud, ils sont vivipares (ne pondent pas d'œufs pour la plupart) et les mamans allaitent leurs petits. Les mamans chauves-souris ont un seul petit à la fois dont elles prennent grand soin. Elles sont parfois aperçues en plein vol, avec leur bébé bien agrippé sous elles (figure 2, flèche jaune).

Figure 2. Une chauve-souris du genre Pteropus en vol. Ainsi déployées, on peut voir que l’aile est en fait une mince couche de peau qui relie les 4 doigts de la main et le reste du corps. Le cinquième doigt, le pouce, est modifié en crochet qui sert à s'agripper. Certaines mamans chauve-souris transportent leur bébé qui s’aggrippe sous elles (flèche jaune). (Crédit : Pierre Paquin, Shutterstock).

Alimentation

Les chiroptères ont une alimentation spécialisée en fonction des différentes familles et espèces. Les plus grands (famille des Pteropodidae) sont surtout frugivores (se nourrissent de fruits) mais quelques espèces sont aussi nectarivores (se nourrissent de nectar) et pollinivores (se nourrissent de pollen). Les plus petites espèces, particulièrement dans les milieux tempérés, sont essentiellement des insectivores (se nourrissent d’insectes) (environ 70% de toutes les chauves-souris), mais la consommation de fruits est aussi connue. Les espèces qui se nourrissent de fruits aiment bien cueillir les fruits mûrs sur les plantes pour les transporter dans leurs lieux de repos afin de les dévorer; elles sucent le jus des fruits et recrachent les pépins et les graines, ce qui contribue à les disperser. Ainsi, plusieurs espèces de plantes dépendent des chiroptères pour la dispersion de leurs graines. Les espèces nectarivores possèdent de longues langues pour récolter le précieux nectar au fond des fleurs. Cette manœuvre fait en sorte que le pollen des fleurs demeure collé à la fourrure de ces chiroptères qui, en se déplaçant vers d’autres fleurs, agissent comme agent de pollinisation. On estime qu’environ 500 espèces de plantes dépendent directement des chauves-souris pour leur pollinisation. À cause de la morphologie hautement spécialisée des chiroptères nectarivores, elles sont plus sujettes à disparition advenant une modification subite de leur environnement. Les petits vertébrés font aussi partie du menu de quelques chauves-souris qui en font une spécialité : certaines chassent les grenouilles qu'elles détectent par les sons qu’elles produisent. D’autres se spécialisent dans les poissons ! Elles peuvent les détecter grâce à leur système d'écholocation (voir plus bas) qui réussit à percevoir les micro-vagues qui voyagent sur l’eau. Les chiroptères piscivores possèdent des griffes spécialement conçues pour pêcher ces poissons directement dans l’eau. Enfin, certaines espèces sont des hématophages, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent exclusivement de sang animal; particulièrement celui du bétail mais aussi celui des oiseaux. Ces chiroptères sont les célèbres vampires. Elles possèdent des récepteurs qui permettent de détecter les vaisseaux sanguins, sur une patte de vache par exemple, et pratique une petite incision à un endroit précis pendant le sommeil de l’animal. Elles lèchent le sang qui coule de cette petite plaie sans que l’animal ne s’en rende compte. Toutefois, cette spectaculaire façon de se nourrir a beaucoup frappé l’imaginaire des humains qui ont généré un véritable contexte mi-horreur, mi-fantastique pour mettre en scène ces chauves-souris vampires. D’ailleurs les chiroptères sont des sources de beaucoup de fausses croyances, d’exagérations et de faussetés

Sorties spectaculaires

La plupart des chiroptères vivent en colonies et ces individus partent en chasse à la fin du jour puisque la plupart des espèces sont nocturnes. Fait particulier, certaines espèces sont diurnes, mais elles sont endémiques à de petites îles, où les prédateurs sont complètement absents. Ce fait semble démontrer que l’activité nocturne des chauves-souris coïncide d’une part avec un pic d’activité pour les insectes, mais aussi que le mode de vie nocturne est un comportement pour éviter les prédateurs. À la tombée du jour, les colonies de chauves-souris commencent à s’activer; celles qui vivent dans les cavernes commencent à tourner en rond dans la cavité, puis les premières en sortent et sont suivies par d’autres, jusqu'à ce que la cavité soit vide. Elles forment une longue file dans le ciel (figure 3) et ce spectacle de la sortie du repère peut durer plus de 30 minutes pour les grandes colonies qui peuvent abriter plusieurs millions d’individus. Elles se dispersent ainsi dans le ciel sur de grands territoires pour ensuite se séparer les unes des autres, chasser toute la nuit, puis revenir individuellement au repaire avant le lever du jour.

Figure 3. Dans certaines colonies de chauves-souris, les individus sortent de leur repaire à la tombée du jour pour partir en chasse. Elles volent les unes derrière les autres à une vitesse vertigineuse, formant dans le ciel d’incroyables bandeaux vivants qui se dispersent sur de grandes distances. Elles se dispersent ensuite pour chasser chacune de leur côté, puis rentrent au repaire individuellement le lendemain matin. (Crédit : Shutterstock).

Retour au bercail

Dans les colonies de chiroptères, les individus revenus au bercail après une nuit de chasse se suspendent la tête en bas, au plafond des cavernes, souvent les uns près des autres (figure 4). Habituellement, les chauves-souris s’agrippent par une seule patte pour se suspendre, et alterne avec l'autre patte lorsque la fatigue se fait sentir. Cette position est idéale pour échapper aux prédateurs (surtout des serpents) qui ne peuvent pas ramper au plafond pour atteindre les individus. C’est un de ces groupes au repos qui a attiré l’attention d’Amina et de Chloé dans la bande dessinée (figure 5).

Figure 4. Les chiroptères qui vivent dans les cavernes se suspendent la tête en bas, souvent plusieurs individus collés les uns contre les autres. Cette position est optimale pour décourager les prédateurs comme les serpents, qui ne peuvent ramper au plafond pour les atteindre. (Crédit : Shutterstock).
Figure 5. Un groupe de chauves-souris au repos, la tête en bas, ont attiré l’attention d’Amina et de Chloé. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

Les grandes colonies de chauves-souris peuvent contenir des millions d’individus. Chacun des individus qui rentre d'une nuit de chasse, digérera ses proies et produira des déjections (= excréments, mélange d’urine et de fèces) qui vont tomber sur le plancher de cette caverne. Avec des millions d'individus, on peut facilement imaginer la quantité de déjections qui s’accumulent au sol. On peut alors comprendre qu’une telle colonie qui occupe la même caverne depuis des dizaines de milliers d’années, cumulera un quantité phénoménale de déchets au sol qu’on nomme guano. L’accumulation d’un tel matériel organique constitue pour certains animaux décomposeurs une précieuse ressource et est même qualifié par certain de source énergétique à la base de la pyramide alimentaire des animaux troglobies.

L’écholocation

Pour se diriger avec succès dans le noir (dans les cavernes, ou à l’extérieur pendant la nuit) les chiroptères ont développé un véritable système sonar. Elles émettent des ultrasons (20 000 vibrations des cordes vocales / seconde) par la bouche et le nez qui sont projetés vers les objets environnants. Ces sons rebondissent sur les divers objets et reviennent aux oreilles des chauves-souris qui ont la capacité d’analyser les sons et de se former une image mentale des objets les entourant. C’est le principe nommé écholocation. Grâce à cette information, elles peuvent se diriger et repérer des proies en vol. Toutefois, les objets ne sont pas toujours à proximité; pour détecter les objets plus éloignés, elles sont littéralement obligées de crier pour que les signaux sonores atteignent ces objets. De plus, le son doit être assez puissant pour rebondir et être audible pour la chauve-souris. Ainsi, il n'est pas surprenant que certains chiroptères soient particulièrement bien équipés pour percevoir ces sons avec des oreilles très développées (figure 6). Toutes les espèces de chiroptères possèdent un système d’écholocation adapté aux conditions environnementales propres à chaque espèce, ce qui permet de maximiser l’efficacité du sonar en fonction des proies recherchées et du milieu où elles se trouvent. Grâce à la variabilité des sons émis, il est possible d’identifier les espèces présentes dans un habitat, sans avoir à les capturer. Un peu comme en ornithologie, il est possible d’identifier les espèces d'oiseaux à leurs chants. 

Figure 6. Les chiroptères utilisent l’écholocation pour se diriger et trouver leurs proies dans le noir. Pas surprenant que certaines espèces soient particulièrement bien équipées pour entendre. Plecotus astriacus J.B. Fischer 1859, par exemple. (Crédit : Shutterstock).

Souvent mystérieuses et d’allure unique dans le monde animal, les chauves-souris gagnent à être mieux connues, ne serait-ce que pour démontrer leur importance dans l'équilibre de divers écosystèmes de la planète. Leur aspect spectaculaire (figure 7) et leurs remarquables comportements ont inspiré de nombreuses histoires que ce soit Dracula, Batman, ou Twilight. Espérons que les scénarios d’horreur n’iront pas jusqu'à voir la disparition de plusieurs espèces de chauve-souris actuellement inscrites sur les listes d’espèces menacées par la déforestation et l’activité humaine.

Figure 7. Magnifique chauve-souris frugivore. Pas surprenant que l’aspect de ces animaux ait inspiré les humains dans de nombreux récits imaginaires. (Crédit : Shutterstock).

Auteur : Pierre Paquin

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis