Figure 1. Pendant sa présentation, Corius Vinkoid décrit à l'étonnante capacité que certaines espèces possèdent d’émettre de la lumière, comme Arachnocampa luminosa. Crédit : Paquin & Roy-Savard).

La bioluminescence est le nom donné au fait que certains organismes vivants sont capables de produire de la lumière. Le phénomène est bien connu chez des insectes comme les lucioles (Coléoptères : Lampyridae) et Arachnocampa luminosa (Diptères : Keroplatidae), mais aussi chez un grand nombre d’organismes marins. Le phénomène se produit aussi pour certains champignons, et certaines bactéries. 

Les bactéries bioluminescentes (figure 2) occupent une grande place dans le phénomène de la bioluminescence, particulièrement pour les organismes marins. Bien qu’elles vivent parfois comme organismes autonomes, on les trouve habituellement en symbiose avec d’autres êtres vivants, ce qui leur permet d’émettre cette lumière. Par exemple, on les trouve parfois dans un organisme unicellulaire procaryote nommé Noctiluca scintillans (Macartney) Kofoid & Swezy 1921, qui sont en fait des Dinoflagellés, des algues microscopiques qui sont parfois présentes dans les vagues qui déferlent sur les plages, ce qui leur donne un aspect féérique (figure 3). Dans d’autres cas, ces bactéries se logent dans le tube digestif de certains poissons. 

Figure 2. Certaines bactéries ont la capacité de produire de la lumière. Elles vivent souvent en symbiose avec d’autres organismes, mais elles peuvent aussi se trouver isolées. (Crédit : Shutterstock
Figure 3. Certaines bactéries vivent en association avec des algues, ici Noctiluca scintillans (Macartney) Kofoid & Swezy, une algue parfois présente sur les rivages marins. (Crédit : Shutterstock).

Comme mentionné, la lumière émise par une bactérie qui vit en symbiose avec un organisme constitue le cas le plus fréquent, mais il est aussi possible que la lumière soit émise par l'être vivant lui-même avec un mécanisme différent. Haddock et al. (2010) ont rapporté que la bioluminescence serait apparue plus de 40 fois de façon indépendante dans les diverses formes de vie de la planète et ce, dans 11 embranchements différents. Toutefois, ces émissions de lumière ne sont pas toujours effectuées dans le même but. Une synthèse récente a permis d'identifier plusieurs rôles de la bioluminescence qui peuvent être regroupés dans les catégories suivantes.

  1. Camouflage. Certaines parties de l'animal sont lumineuses et lorsque qu'aperçues par dessous, les limites corporelles de l’animal sont difficiles à percevoir.
  2. Attraction dans le but faciliter l’accouplement. C'est le cas des lucioles qui utilisent les signaux lumineux pour que les mâles et les femelles puissent se trouver, s’accoupler et se reproduire.
  3. Attraction dans le but de prédation. La production de lumière a pour but de leurrer d’autres espèces dans le but de les capturer et de s’en nourrir, comme Arachnocampa luminosa, et certaines lucioles du genre Photinus par exemple. Certains poissons marins des grandes profondeurs, comme Centrophryne spinulosa Regan & Trewavas 1932 (figure 4) possèdent une lanterne qui émet de la lumière grâce à des bactéries symbiotiques qui vivent au bout d'une longue structure située sur le bout de l’animal. Cette lumière attire les proies qui sont alors à portée de bouche. Avez-vous vu le film “Le Monde de Nemo” ?
  4. Leurre comme défense. Certaines pieuvres expulsent des nuages de substances lumineuses dans le but de distraire les prédateurs, pendant qu’elles prennent la fuite. Certaines vont même jusqu’à laisser derrière elles volontairement un partie “illuminée” de leur corps (autotomie), dans le but de détourner l'attention des prédateurs.
  5. Avertissement. Le signal lumineux est émis dans le but de créer un contraste vif avec l'environnement qui sert d’avertissement pour éloigner les prédateurs. Les larves de lucioles (figure 5) utilisent cette stratégie, de même que certains myriapodes.
  6. Mimétisme. Certaines espèces de blatte du genre Lucihormetica, produisent des patrons lumineux qui ressemblent à certains coléoptères de la famille des Elateridae, qui sont venimeux.
  7. Éclairage. Certains poissons émettent une lumière rougeâtre qui permet de mieux détecter les proies qui se trouvent à proximité.
  8. Attraction dans le but de propager les semences. Certains champignons émettent de la lumière dans le but d’attirer des insectes nocturnes. Cette activité sur les champignons couvre les insectes de spores (semences de champignons) qui les propagent en se déplaçant vers d’autres lieux (figure 6).
Figure 4. Le poisson des grandes profondeurs Centrophryne spinulosa se sert de sa capacité lumineuse pour attirer des proies à portée de bouche. (Crédit : Shutterstock).
Figure 5. Les larves de Lampyridae (lucioles) se servent de la bioluminescence comme moyen de défense, pour surprendre les prédateurs. (Crédit : Shutterstock).
Figure 6. Certains champignons émettent de la lumière dans le but d’attirer des insectes nocturnes. Les insectes se couvrent de spores qu’ils propagent à leur envol. (Crédit : Shutterstock).

L'émission de lumière par les organismes vivants est le résultat d’une réaction chimique. Elle met en jeu un pigment luminescent appelé luciférine et une enzyme nommée luciférase. Nous savons aussi que la luciférine varie beaucoup en nature et elle est souvent nommée en fonction du groupe d’animaux dans lequel elle se trouve, par exemple : la luciférine des lucioles. Mais d’une façon générale, l’enzyme luciférase catalyse l'oxydation de la luciférine avec d’autres cofacteurs pour provoquer une réaction chimique qui résulte en de la luciférine oxydée (oxyluciférine) + particule de lumière.

Il est à noter que les noms luciférine et luciférase, proviennent des noms latins lux- qui veut dire lumière (et qui signifie aussi une unité de mesure de la lumière) et de -fer : qui porte. Ce qui veut donc dire qui porte la lumière. Les suffixes -ine est souvent la terminaison de produits chimiques, acides aminés et protéines. La terminaison -ase fait référence au fait qu’il s’agit d’une enzyme. Il s’agit donc ici d'une référence directe à la bioluminescence.

Nous ne pouvons que nous émerveiller devant ce phénomène biologique qui fait briller ces différentes formes de vies, dans les mers et sur la terre. Il est aussi très intéressant que la bioluminescence soit autant présente pour autant d'espèces et puisse jouer différents rôles qui vont de la défense à la séduction. L’évolution de telles voies de communication est réellement spectaculaire. Toutefois, il y a encore beaucoup à découvrir. Qui pourrait expliquer la raison précise de l’émission de lumière de certains micro-organismes marins (figure 7) ou quel est l’avantage d’une teinte de lumière particulière chez les méduses (figure 8) ? Toutefois, ces trous dans nos connaissances ne nous empêchent pas de trouver ces animaux jolis pour autant.

Figure 7. Pour quelle raison ce micro-organisme marin émet-il de la lumière ? Il y a encore beaucoup de mystères à percer. (Crédit : Shutterstock).
Figure 8. De magnifiques méduses bioluminescentes grâce à une bactérie qui vit en symbiose dans cet animal. Pourquoi cette teinte précise ? Le fait de ne pas avoir de réponses immédiates à cette question ne nous empêche pas de les trouver jolies. (Crédit : Shutterstock).

Référence
Haddock, S.H.D., M.A. Moline, J.F. Case (2010). Bioluminescence in the sea. Annual Review of Marine Science 2:443–493.

Auteur : Pierre Paquin

Vers le blogue Fractalis suivant
Vers le blogue Fractalis précédent
Vers le répertoire de blogues Fractalis

Vous avez aimé cet article? Vous avez des questions ou des commentaires pour l'auteur? Écrivez-nous dans la partie commentaires un peu plus bas. Nous vous répondrons avec plaisir!

Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis