Figure 1. Les coléoptères forment un ordre d’insectes qui contient 400 000 espèces connues, soit le plus grand groupe d’animaux de la planète. (Crédit : Pierre Paquin).
Figure 2. Dans la bande dessinée, Matt n’a eu aucun problème à reconnaître qu’il s’agissait d’un coléoptère de la familles des Curculionidae. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

Les bestioles connues de tous

Les coléoptères forment un ordre d'insectes bien connu parce que plusieurs espèces (ou familles) sont communes et sont observées fréquemment. À un tel point que certaines sont même devenues des vedettes : on peut penser aux coccinelles qui sont très populaires auprès des enfants de maternelle, ou encore les lucioles qui émettent de la lumière. Ils sont aussi source d'étonnement, comme par exemple lorsqu’on présente les comportements des bousiers; ils font beaucoup rigoler lorsqu’on apprend que les boules qu'ils poussent avec tant de ferveur et de dévotion, sont de petites boules d'excréments d'animaux. 

Combien d’espèces de coléoptères sur la planète?

Les coléoptères surprennent par leur couleur, leur comportement, leur présence dans presque tous les habitats, mais aussi par leur succès évolutif sur notre planète. En effet, on estime qu’il y a environ 400 000 espèces décrites, plus que n‘importe quel autre groupe animal (figure 1). Ce nombre est équivalent au nombre d’espèces total que représente les plantes ! Il paraît incroyable qu’un seul ordre parmi les 29 ordres d’insectes connus contienne autant d'espèces que le règne végétal en entier, mais c’est pourtant le cas. De plus, le nombre de 400 000 espèces est loin de représenter tous les coléoptères qui existent. De nombreuses espèces sont découvertes régulièrement dans les régions encore peu explorées ou mal connues de notre planète. La proportion d’espèces découvertes dans les territoires inconnus ont lancé de véritables courses pour une prédiction “fiable” du nombre total d’espèces de coléoptères. Les résultats sont pour le moins surprenants : les estimations les plus conservatrices proposent qu’il y aurait un million d'espèces et les plus optimistes prédisent pas moins de 30 millions. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces prédictions varient beaucoup, mais laissent tout de même entrevoir que nous sommes loin de tout connaître à propos de ces insectes, qui représentent environ 25% des tous les animaux connus.

Caractéristiques des coléoptères

Le nom coléoptère provient de Koleos-, qui veut dire étui, et de -pteron qui veut dire aile. Ce nom fait référence à la paire d’ailes extérieures nommées élytres, qui recouvre la partie dorsale de l’abdomen des coléoptères. Cette paire d’ailes est dure, ce qui confère à ces insectes une protection accrue et permet de les reconnaître sans difficulté (figure 2). Ces élytres peuvent s'ouvrir pour laisser sortir une paire d’ailes membraneuses qui permet le vol, mais dans certaines familles, ils sont soudés, ce qui fait que ces coléoptères ne peuvent voler, comme parfois chez les Curculionidae. Chez certaines coccinelles par exemple, les élytres sont rouges et comportent des ponctuations noires, tandis que les ailes membraneuses sont repliées sous les élytres au repos (figure 3). La présence de ces élytres permet de reconnaître plutôt facilement les coléoptères, puisqu’il s’agit de structures physiques qui caractérisent cet ordre. Toutefois, certaines familles de coléoptères possèdent des élytres plutôt mous, comme les Cantharidae, les Meloidae et les Lampyridae (lucioles, figure 11 ), tandis que d’autres ont des élytres courts qui ne couvrent qu’une petite partie du haut de l’abdomen, comme les staphylinidae (figure 7). 

Figure 3. Une coccinelle Harmonia axyridis (Pallas 1773) prenant son envol. Les élytres sont rouges et comportent des ponctuations noires, tandis que les ailes membraneuses sont repliées sous les élytres au repos. (Crédit : Gilles Arbour).

Une autre caractéristique des coléoptères est qu’ils effectuent une métamorphose complète pour atteindre le stade adulte. Une fois sortie de l'œuf, la larve (par exemple figure 4a) passe par quelques mues (en général de 3 à 5 mues chez la plupart des espèces) pour ensuite entrer en nymphose (figure 4b). Le stade de la nymphe est le stade où les grands changements se passent pour résulter dans le stade adulte. Le stade de nymphe des coléoptères est équivalent au stade de la chrysalide chez les papillons. L’adulte qui en sort (aussi appelé imago) est très différent des larves tant dans leur aspect que dans leurs fonctions. Les larves sont de véritables machines à consommer de la nourriture, que ce soient des prédateurs comme les larves de coccinelles (figure 4a), ou des phytophages comme les larves de chrysomèles (ici Labidomera clivicollis (Kirby 1837), figure 5). Les stades adultes sont caractérisés par la présence des organes sexuels, ce qui fait qu'une des principales tâches des adultes est de se reproduire. La métamorphose complète fait en sorte que les adultes ne ressemblent pas du tout aux stades larvaires; comparez les figures 3 et 4b et les figures 5 et 9. Il s’agit pourtant bien de la même espèce mais à des stades différents.

Figure 4. Coccinelles Harmonia axyridis. a) le stade larvaire (flèche jaune) b), le stade de la nymphe (flèche rouge). (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 5. Larve de Labidomera clivicollis, une espèce phytophage. (Crédit : Gilles Arbour).

Où ça des coléoptères ?

Les coléoptères sont présents dans toutes les niches écologiques et dans presque tous les habitats, sauf les régions polaires et la haute mer. Ils occupent aussi une grande diversité de rôles trophiques. Certains sont des prédateurs, d’autres des phytophages (végétation), des mycophages (champignons), des coprophages (excréments), des xylophages (bois), des saproxylophages (bois mort), pollinivores, décomposeurs (animaux morts) et même des parasites. De plus, les phytophages se spécialisent pour différentes parties des plantes (tige, fleur, feuille, nouvelle pousse, racine, fruits, etc).

Pourquoi autant d’espèces ?

Il est difficile de pointer du doigt quelle serait la raison derrière le succès évolutif des coléoptères qui a produit le groupe animal le plus diversifié de la planète. Pourquoi autant d'espèces ? Une réponse célèbre à ce propos a été apportée par le biologiste J.B.S. Haldane interrogé à ce sujet par des théologiens. Il a répondu simplement que “Dieu avait eu une affection immodérée pour les coléoptères” (an inordinate fondness for beetles), une citation devenue célèbre depuis. Dans la réalité toutefois, Farrell (1998) a émis l’hypothèse et démontré que ces insectes ont évolué en exploitant la diversification des plantes à fleurs qui s’est produite dans la même période géologique.

Cependant, des données récentes sur l’ordre des hyménoptères (qui comprend beaucoup plus que les guêpes, les fourmis et les abeilles) suggèrent que la diversité de cet ordre pourrait surpasser celles des coléoptères à cause de la spécialisation des parasites et de l'hyper parasitisme. Il s’agit d’une hypothèse intéressante, mais pour l’instant, les coléoptères sont toujours qualifiés du groupe qui comptent le plus d’espèces de la planète.

Quelques familles bien connues

Selon les connaissances taxonomiques actuelles, l’ordre des coléoptères se divise en 176 familles. Plusieurs de ces familles se reconnaissent facilement ou possèdent des particularités qui les ont rendu célèbres. Voici quelques exemples (figure 6 à 13).

Figure 6. Coleomegilla maculataDe Geer 1775. Les Coccinellidae sont célèbres dans toutes les maternelles du monde. On raconte souvent qu’on peut connaître l’âge des coccinelles en comptant les taches sur les élytres. Il s’agit d’une excellente stratégie pour apprendre les chiffres et compter, mais moins pertinente pour devenir biologiste. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 7. Philonthus sp. Les Staphylinidae forment une des plus grandes familles de coléoptères. On les reconnaît facilement grâce aux élytres courts qui ne couvrent qu’une petite portion de la partie dorsale de l’abdomen. Ce sont des prédateurs pour la plupart, certains sont aussi mycophages et pollinivores. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 8. Carabus nemoralisO.F. Müller 1764. Les Carabidae comptent environ 35 000 espèces, ce qui en fait une des familles importantes de l’ordre. Ce sont des bioindicateurs bien connus qui sont sensibles aux variations environnementales, particulièrement aux conditions de sol. Les Carabidae sont des prédateurs. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 9. Labidomera clivicollis. Les Chrysomelidae sont des phytophages voraces qui consomment du matériel végétal tant au stade larvaire qu’au stade adulte. On peut comprendre qu’ils peuvent devenir un problème en agriculture si la plante dévorée par le coléoptère en est une que les humains cultivent ! Souvent, les dommages effectués au feuillage sont suffisants pour compromettre une récolte entière. Par exemple, on peut penser au doryphore qui se délecte de feuilles de plants de patates et qui constitue une des espèces les plus nuisibles de la planète. Quant à Labidomera clivicollis, cette espèce est étroitement associée à l'asclépiade. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 10. Les Curculionidae sont aussi des phytophages. On reconnaît facilement cette famille grâce au rostre prolongé devant les yeux qui donne l’impression que ces coléoptères possèdent un grand nez. Il n’en est rien puisqu’au bout de ce prolongement se trouve, non pas des narines, mais la bouche. Mononychus vulpeculus (Fabricius 1801) est associé à l’Iris versicolore (Iris versicolor Linné 1758). (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 11. Les Lampyridae (luciole) sont bien connus de tous à cause de la bioluminescence qu’ils produisent. Ce sont des coléoptères qui possèdent des élytres mous, contrairement à la plupart des autres familles. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 12. Les Cerambycidae (longicornes) sont des coléoptères xylophages, c’est-à-dire que les larves se nourrissent du bois des arbres. La plupart des espèces sont monophages, ce qui veut dire qu’elles sont associées à une seule essence d’arbre, mais quelques espèces sont oligophages et se trouvent sur quelques essences seulement. La plupart des espèces ont de très longues antennes, ce qui permet de le reconnaître. Lepturobosca chrysocoma (Kirby in Richardson 1837) est associé aux Épinettes noires (Picea mariana (Mill.) B.S.P.) et aux peupliers (Populus spp.) mourants. (Crédit : Gilles Arbour).
Figure 13. Popillia japonica Newman 1841. Ce Scarabaeidae est une espèce introduite connue en Amérique du Nord depuis 1916. Il s’agit d’une espèce polyphage, ce qui veut dire qu’elle se nourrit de plusieurs espèces de végétaux. Au Québec, P. japonica est connue depuis une trentaine d'années et tous ceux qui font des jardins la connaissent bien puisqu'elle s’y trouve souvent en grand nombre et cause beaucoup de dommages aux plantes. (Crédit : Gilles Arbour).

Référence

Farrell, BD. 1998. "Inordinate Fondness" explained: why are there so many beetles? Science 281(5376):555-9. doi: 10.1126/science.281.5376.555.

Auteur : Pierre Paquin

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis