Figure 1. Les cigales sont des insectes qui forment la super-famille des Cicadoidea (terminaison -oidea, voir nomenclature), qui inclut environ 3 000 espèces connues. (Crédit : Pierre Paquin)
Figure 2. Les cigales (super-famille des Cicadoidea) sont bien connues pour les sons qu’elles émettent. Il s'agit en fait d'une adaptation dans le but de communiquer d’une façon efficace à des fins de reproductions. Les mâles et les femelles cigales peuvent se repérer et se trouver grâce à des sons qui voyagent sur de grandes distances. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

Les cigales appartiennent aux insectes puisqu'elles possèdent 6 pattes, une paire d'antennes (même si elles sont minuscules), un corps composé d’une tête, d’un thorax et d’un abdomen et 4 ailes pour voler.  Tout le monde connaît les cigales à cause des sons qu’elles produisent (figure 2), mais peu sont capables de les reconnaître en les voyant. De plus, elles sont plutôt discrètes et demeurent souvent immobiles pour éviter d’attirer l’attention des prédateurs. Toutefois, leur aspect général (figure 3) et leur grande taille (jusqu’à 5 cm en Amérique du Nord) les distinguent facilement des autres insectes.

Figure 3. Une cigale commune dans le nord-est de l’Amérique du nord, Tibicen canicularis (Harris 1841). Même si nous connaissons tous les sons émis par les cigales, peu de gens les reconnaissent. (Crédit : Gilles Arbour).

Le nom commun “cigale” désigne une super-famille, les Cicadoidea (la terminaison -oidea indique le rang de super-famille, voir nomenclature) qui contient deux familles : les Tettigarctidae qui inclut seulement deux espèces trouvées en Australie, et les Cicadidae qui comprend les 3000 autres espèces réparties à travers le monde (figure 1).

Les cigales sont associées aux forêts décidues, particulièrement dans les régions tropicales où se trouve la plus grande partie de la diversité mondiale. Certaines régions sont particulièrement riches : plus de 800 espèces en Amérique latine, 200 dans l’Asie du sud-est et l’Ouest du Pacifique. Le degré d’endémisme est très marqué chez plusieurs espèces, c'est-à-dire qu’elles ne se trouvent que dans de toutes petites régions. Cette particularité a été utilisée pour construire l’histoire biogéographique des régions complexes comme les îles du Paficique sud. En Amérique du Nord, on compte 170 espèces, la plupart de celles-ci se trouvant dans la portion sud-ouest du continent et la diversité s’amenuise vers le nord-est. Au Canada, on ne compte que 21 espèces connues, dont seulement 3 confirmées au Québec. 

Les femelles cigales pondent leurs œufs dans des petites fentes qu’elles ont creusées dans les jeunes pousses ou les brindilles d’un arbre. Après l'éclosion, les larves se laissent tomber au sol où elles creusent pour aller trouver les racines. Elles construisent des chambres a proximité des racines, dont elles sucent la sève pour se nourrir. Certaines espèces sont connues pour creuser jusqu'à 2,5 mètres dans le sol. Les larves de cigale ont une allure intrigante avec des pattes robustes et peu d’aspérités sur le corps. Les pattes avant sont spécialisées pour creuser le sol.

Une fois la croissance larvaire complétée, elles creusent un tunnel menant à la surface du sol par lequel elles quitteront le milieu souterrain. À la surface, elles s'accrochent à un substrat afin d’effectuer la mue finale, celle qui mènera à un adulte (figure 4). Souvent, il s’agit de la base même de l’arbre dont elles se sont nourries. Une fois émergé, l’adulte peut se disperser laissant derrière la vieille peau sèche et vide, qu ‘on nomme exuvie (figure 5). Si les adultes ne sont pas observés fréquemment, les exuvies de cigale sont plutôt communes si on se donne la peine de chercher.

Figure 4. Lorsqu’une larve de cigale a complété sa croissance dans la terre, elle en sort en s'accrochant à un substrat qui lui permettra d’effectuer sa dernière mue, celle qui résulte dans un adulte complet. (Crédit : Francis Plourde).
Figure 5. Une exuvie de cigale, c'est-à-dire l’exosquelette de la larve qui reste derrière, accroché à un substrat. On voit bien la fente située sur la partie dorsale qui a permis à l’adulte d’émerger. (Crédit : Gilles Arbour).

Une caractéristique bien connue des cigales concerne la durée du développement des stades larvaires (de l'œuf jusqu’au stade adulte) qui n’est pas le même pour toutes les espèces. Pour l’espèce commune de l’est de l'Amérique du Nord, Tibicen canicularis,  les données disponibles suggèrent que la larve peut prendre de 2 à 5 ans avant d’arriver au stade adulte. Elle se nourrit de plusieurs essences d’arbres feuillus, mais également de pins. Toutefois, des émergences d’adultes se produisent chaque année, ce qui lui donne le qualificatif d’espèce “annuelle”. Cette caractéristique la distingue des espèces du genre Magicicada, qui vivent un peu plus au sud aux États-Unis, qui possèdent des périodes de croissance de 13 ou de 17 années. Il paraît incroyable que des insectes possèdent une durée de vie qui dépasse celle des chiens et des chats, mais la réalité est parfois surprenante. Cependant, la grande question à ce sujet est pourquoi 13 ans et pourquoi 17 ans ? Une extraordinaire explication réside dans le fait que 13 et 17 sont deux nombres premiers. Il devient donc difficile pour un prédateur de synchroniser son propre cycle avec celui d’une proie dont la disponibilité est aussi difficile à prédire, contrairement à un cycle annuel ou bisannuel par exemple.

Toutefois, ce sont les sons que les cigales produisent qui constituent un des aspects remarquables de leur biologie. Ils sont parfois si forts qu’ils sont étourdissants; certaines espèces peuvent émettre des sons jusqu'à 120 décibels, ce qui est équivalent à un avion au décollage ou à un marteau piqueur. Ce sont les sons les plus puissants du monde des insectes. Ils ne sont pas produits par le frottement des pattes ou des ailes comme chez plusieurs insectes, mais par un organe spécialisé appelé cymbale. Il s'agit en fait d’une paire de plaques de chitine situées de part et d’autre de la partie antérieure de l'abdomen. La chitine est  la substance dure dont est formée l’exosquelette des arthropodes. Ces organes sont entourés de puissants muscles en forme de V nommés muscles cymbaliques. Sous l'action de ces muscles, la cymbale se déforme et devient concave en faisant un “clic”. Une fois les muscles relâchés, la cymbale reprend sa position normale en faisant un autre “clic”. En augmentant la fréquence de contraction / relaxation des muscles, ce qui peut dépasser les 100 fois par seconde, le son caractéristique des cigales est produit.

Pourquoi émettre de tels sons ? La réponse est simple et spectaculaire. Il s'agit d'une formidable adaptation pour que les mâles puissent attirer les femelles afin de s'accoupler et de se reproduire. Ce ne sont que les mâles qui produisent de tels sons, parce qu'en plus de posséder les cymbales, leur abdomen est creux et agit comme une caisse de résonance pour amplifier les “clics” produits. Les femelles ne possèdent pas une telle cavité puisque la place est occupée par les organes nécessaires à la production des œufs et la reproduction. De plus, certains chercheurs ont démontré que les cigales produisent des sons qui sont propres à une seule espèce d’une région donnée. Cette spécificité a pour but de maximiser les rencontres entre les mâles et les femelles de la même espèce, évitant ainsi les rencontres infructueuses. Ainsi récemment, des entomologistes ont détecté deux types de “chants” pour l’espèce Magicicada tredecim (Walsh & Riley 1868) et ils ont déterminé qu’il s’agissait d’une espèce différente qu’ils ont nommé Magicicada neotredecim Marshall & Cooley 2000. Les études d’ADN de ces individus ont confirmé cette trouvaille. 

La prochaine fois que vous entendrez un mâle chanter, faites comme les femelles cigales : essayez de trouver le mâle qui chante en retraçant l’origine du son; vous verrez, ce n’est pas une tâche facile ! Ce n'est pas une prévision du temps qu’il fera, mais plutôt une indication que la période de reproduction des cigales est arrivée.

En juillet 2022, une larve de cigale aux yeux rouges a été trouvée et photographiée au Québec. La coloration des yeux ne correspond à aucune des 3 espèces de la province, mais plutôt au genre Magicicada, qui compte les célèbres espèces qui émergent une fois par 13 et 17 ans. Cette trouvaille est possiblement Magicicada septendecim (Linnaeus 1858) qui possède la répartition géographique la plus nordique, touchant les États de New York et du New Jersey. Il s’agirait d’une remarquable extension de l’aire de distribution connue, mais tout à fait possible. Espérons qu’il ne faudra pas attendre 2039 pour élucider ce mystère.

Auteur : Pierre Paquin

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis