Depuis 50 ans, le respect de la nature est passé de valeur personnelle à un véritable souci planétaire. Cette vision du monde pour le respect de la nature est maintenant sous la bannière de la conservation, qui englobe les préoccupations planétaires (pollution par les matières plastiques, changement climatique, destruction des habitats, etc) mais aussi, à plus petite échelle, les gestes qui sont à portée de main des individus. S’il est difficile d’aborder soi-même les problèmes de pollution des océans, par contre, il est possible d’effectuer une multitude d’actions dans notre quotidien qui vont dans le même sens : éviter le gaspillage, éviter la surconsommation, éviter le suremballage, faire du recyclage, faire du compostage, etc. Le respect de la nature s’inscrit aussi dans la manière de se comporter en faisant différentes activités. Il s’agit souvent de règles éthiques, souvent non-dites, qui visent un meilleur rapport avec l’environnement pour soi-même et les autres. Par exemple, on ne doit pas laisser des ordures sur notre passage et on ne jette pas ses papiers d’emballage ou des contenants vides sur la place publique. Maintenant, la plupart des gens rapportent leurs ordures pour en disposer correctement à la maison, ou dans des contenants prévus à cet effet dans l’espace publique.
Ainsi, la marche en sentier se fait dans un esprit où les lieux sont laissés dans le même état qu’à l’arrivée des marcheurs, et une visite à la plage n’est perceptible que par les traces de pas laissées dans le sable.
Les cavernes : milieux fragiles et espèces menacées
Citons la devise de certains spéléologues qui sont très conscients de l'impact potentiel de la visite des humains dans de tels lieux :
“Take nothing but pictures, leave nothing but footprints, kill nothing but time”
Ce qui peut se traduire par : “Ne prend rien d'autre que des photographies, ne laisse rien d’autres que des traces de pas, ne tue rien d’autre que du temps.” Cette devise résume très bien la volonté de ne pas perturber de tels habitats lors de visites. Dans l’exploration des cavernes, il y a plusieurs règles à observer pour être respectueux de ce type d’endroit, puisque les cavernes sont des habitats d’une grande fragilité.
Les conditions d’obscurité, de température et d’humidité propres aux cavernes constituent un habitat très stable et ce, depuis des millions d’années. Plusieurs espèces d’animaux s’y sont adaptées et leurs corps se sont lentement modifiés pour survivre dans de telles conditions. Ces transformations en font des espèces spécialistes des cavernes, que l’on nomme des troglobies. Ces espèces ne peuvent pas survivre aux conditions externes (aussi appelées conditions de surface) parce qu’il fait trop chaud et trop sec, ce qui en fait de véritables prisonnières de ces habitats. Elles survivent dans des habitats restreints: une caverne ou un réseau de cavernes interconnectées dans une région donnée. On considère à juste titre, que la relation entre les cavernes et les troglobies est comme un cul-de-sac évolutif, c’est-à-dire qu’il est impossible pour ces êtres vivants de survivre en dehors de ces conditions; elles ne peuvent donc pas prendre une autre direction évolutive.
La spécialisation des troglobies limite fortement la répartition géographique de ces espèces spécialistes. Comme elles ne peuvent pas survivre aux conditions présentes en surface, elles sont confinées sous terre. Mais une caverne est rarement « seule » ; elles sont habituellement dans un réseau de cavités connectées les unes aux autres dans un même karst, ce qui permet aux espèces de se déplacer d’une cavité à une autre. La présence d’une même espèce dans deux cavernes situées l’une près de l’autre suggère une connexion physique entre les deux cavités. Dans d’autres cas, la présence d’une même espèce dans deux cavernes qui ne sont pas connectées, peut suggérer une connexion passée, qui a eu lieu il y a des millions d’années et qui n’existe plus aujourd’hui.
Le résultat de cette répartition géographique dans une seule caverne ou dans un groupe de cavernes situées près les unes des autres, est une caractéristique de plusieurs troglobies. Dans de tels cas, la répartition de l’espèce se fait seulement sur une minuscule portion de territoire, ce qui résulte en un degré d’endémisme très élevé. Si on compare avec la plupart des espèces de surface qui ne sont pas limitées par des conditions aussi spécialisées, les espèces troglobies sont, pour la plupart, des espèces rares qui ne se trouvent que dans quelques cavernes de la planète. À cause de la rareté des troglobies, de leur étroite dépendance aux conditions écologiques des cavernes, de la grande fragilité de la chaîne alimentaire et de leur micro répartition géographique, plusieurs espèces troglobies sont placées sur les listes des espèces menacées, vulnérables ou en voie de disparition. Ce statut de conservation vise la protection des espèces dont l’existence est menacée à court terme. Ces espèces risquent l’extinction si une caverne ou un réseau karstique est menacé de destruction par le développement commercial, la construction domiciliaire, les routes ou les autoroutes. La modification de la topographie d’une région par des travaux de surface (déforestation, nivelage, …) peut aussi entraîner des changements des conditions à l’intérieur des cavernes qui, à leur tour, peuvent entraîner la disparition des espèces spécialistes qui y vivent. La chaîne alimentaire présente dans les cavernes est caractérisée par la décomposition comme source d’énergie (voir guano), qui est aussi sensible aux modifications faites par les humains à la surface.
De plus, les cavernes constituent des milieux fragiles à cause de la géologie. Les cavités et les formations rocheuses prennent souvent des millions d’années pour se développer. Bien qu’il s’agisse de roches, certaines formations demeurent fragiles. Dans le même esprit de conservation, il vaut mieux ne pas toucher les formations rocheuses avec ses mains nues, le film graisseux qui se dépose peut altérer le processus de formation des stalagmites et stalactites. Que penser alors du fait de casser un stalactite pour se rapporter un souvenir ? Ou encore de peindre la roche ou de graver sur les murs ?
Il faut cependant ajouter quelques précisions, puisque certains prennent au pied de la lettre la devise citée au départ, au point de regarder d’un mauvais œil tous ceux qui y dérogent, même les scientifiques qui travaillent sur le sujet. Bien sûr, il ne faut pas briser sans but les structures rocheuses comme les stalactites. Mais les gens ignorent que les entrées de la plupart des cavernes ont été dégagées à coup de marteaux piqueurs et de pioches. Souvent, il n’y a aucune expression à la surface ou bien l’entrée est si minuscule que seul un insecte peut passer. Il en est de même à l’intérieur d'une caverne pour dégager des passages afin de permettre l’accès aux humains. Il y a donc une différence entre briser une pierre pour permettre un accès autrement impossible et de la destruction sans but. Dans le contexte de la bande dessinée, Matt tente de créer une ouverture pour permettre son passage et celui d’Amina, mais son petit coup de piolet mène à une situation inattendue.
De la même façon, Matt et Amina récoltent des bestioles pour les étudier à l’aide d’un aspirateur à bestioles. Dans son travail, le biospéléologue n'a d'autre choix que de prélever des spécimens afin de les identifier en laboratoire et ainsi savoir quelles sont les espèces qui vivent dans cette caverne précise. Souvent ce travail s'accompagne de prélèvements dans le but d’établir le profil génétique des individus récoltés. Avec les données procurées par l’ADN, les scientifiques commencent à mieux comprendre les complexes relations entre les êtres vivants (les troglobies) et les cavernes.
Auteur : Pierre Paquin
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