Figure 1. Corius nous montre ici une reconstitution de chasse aux moas, qui sont les plus grands oiseaux que la terre ait portés. Cet ordre d’oiseau est endémique à la Nouvelle-Zélande et les 9 espèces de moas sont aujourd'hui éteintes (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

La plupart du temps, nous imaginons que “moa” ne représente qu’une seule espèce d’oiseau gigantesque. En fait, la réalité est légèrement différente puisque moa est le nom commun (vernaculaire) pour un ordre complet d’animaux dans la classe des oiseaux : les † Dinornithiformes (figure 3). Cet ordre, aujourd’hui éteint (d’où la petite croix devant le nom, voir le blogue nomenclature), est constitué de 3 familles, de 6 genres et de 9 espèces. Il est vrai que certaines de ces espèces sont les plus grands oiseaux qui aient existé sur Terre. Deux en particulier sont connues pour leur grande taille : † Dinornis robustus Owen 1846 et Dinornis novaezelandiae Owen 1843 (figure 2). Ces moas mesuraient jusqu’à 3,6 mètres de haut et pouvaient peser jusqu'à 250 kg. Toutefois, tous les moas ne faisaient pas cette taille; la plus petite espèce était plutôt d’une taille équivalente à un dindon.

Figure 2. Une illustration d’un des plus grands moas qui ait existé, Donornis novazealandiae, qui mesurait près de 3,6 mètres de haut. (Crédit : Shutterstock).
Figure 3. Les moas constituent un ordre d’oiseau qui comprend 9 espèces, aujourd'hui toutes éteintes. (Crédit : Pierre Paquin).

Le seul endroit sur Terre où se trouvaient les moas est la Nouvelle-Zélande, ce qui en fait un extraordinaire exemple d’endémisme. Les taxonomistes ont longtemps pensé que le plus proche parent des moas était l’émeu d’Australie [Dromalus novaehollandiae (Latham 1790)] à cause de la proximité, de la taille et de l’aspect général. Toutefois, des récentes analyses phylogénétiques incluant des données d’ADN suggèrent plutôt que ce sont les Tinamiformes : Tinamidae qui se trouvent en Amérique du Sud et Centrale. Les Tinamidae sont des oiseaux qui ont la capacité de voler, contrairement aux moas qui sont les seuls oiseaux connus complètement dépourvus d’ailes. Il existe d’autres espèces d'oiseaux aptères (sans ailes, comme les kiwis par exemple, le genre Atperyx) mais ces derniers possèdent des ailes vestigiales, c'est-à-dire des ailes dégénérées. 

Ce qui rend la disparition des moas, il y a environ 600 ans (figures 1, 4), si tragique est probablement le fait que cette extinction est relativement récente. Avant l’apparition des humains en Nouvelle-Zélande, le seul prédateur des moas connu était l’Aigle géant de Haast (Hieraaetus moorei Haast 1772). Ces espèces se sont côtoyées pendant des millions d’années sans s’exterminer l'une l’autre, ce qui suggère que la disparition ne peut être attribuée qu’à l’arrivée des premiers humains dans cette région isolée du monde. Les populations immigrantes de Polynésie sont arrivées vers 1280 et on estime que le nombre de moas à ce moment-là était entre 58 000 et 1.2 million. Cette période marque aussi le début du déclin et de l’extinction graduelle de toutes les espèces à cause de la chasse intensive, la destruction des œufs et, à une échelle moindre, la destruction des habitats naturels, particulièrement les forêts. Les connaissances actuelles suggèrent qu’en 1445, toutes les espèces de moas avaient disparu. Toutefois, il est intéressant de préciser que des observations occasionnelles ont été faites par des résidents et des marins, jusqu'à la fin des années 1890. Ces mentions rapportées dans les journaux locaux sont toutefois difficiles à vérifier. En 1948, la redécouverte de l'oiseau takahē [Porphyrio hochstetteri (A.B. Meyer 1883)] qu’on croyait éteint depuis 1898, a démontré que des espèces d'oiseaux qu'on croyait éteintes, peuvent survivre dans des endroits reclus des forêts de la Nouvelle-Zélande. Cette redécouverte a ravivé la possibilité qu’il existe encore des populations de moas dans les endroits peu accessibles de Fiordland, la région la plus intacte et reculée du pays.

Ces extinctions récentes ont deux conséquences scientifiques d'intérêt.

1) Il existe de nombreux fossiles et squelettes de ces animaux qui ont permis plusieurs avancées scientifiques. Par exemple, la taxonomie de ce groupe est relativement bien connue pour des espèces fossiles. Les connaissances actuelles suggèrent 9 espèces dans ce groupe. L’examen des squelettes et des fossiles a aussi permis de déterminer qu’ils se promenaient probablement la tête baissée à cause du poids de la tête et de la fragilité relative du cou. De plus, la taille et la forme de la longue trachée respiratoire munie d’anneaux, laisse croire qu’ils pouvaient émettre des sons forts et audibles sur de grandes distances. Les moas étaient des herbivores qui se nourrissaient de divers matériaux végétaux et ingurgitaient aussi des pierres pour faciliter le broyage du matériel végétal dans leur estomac. Les moas se reproduisaient par œufs comme tous les oiseaux, mais ces derniers étaient d’une remarquable fragilité comme l'ont révélé les analyses des fossiles connus. 

Figure 4. Les derniers moas ont disparu il y a 600 ans. Toutefois des témoignages rapportent des observations jusqu’à la fin des années 40. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

2) Ce sont toutefois les données obtenues à partir des données d’ADN qui sont les plus spectaculaires. Comme se sont des fossiles récents, l’ADN s’est tellement bien conservé dans certains cas qu’il a été possible de séquencer au complet le génome de certaines espèces. Particulièrement par la découverte d'œufs fossiles de Moas, qui ont permis d’extraire de l’ADN en quantité et en qualité suffisante. Il a aussi été déterminé que ce qu'on croyait être deux espèces distinctes était en réalité le mâle et la femelle de la même espèce contrairement à ce que les données fossiles suggéraient. Certaines espèces de moas possédaient un dimorphisme sexuel prononcé. Il existe plusieurs cas où des tissus cellulaires (muscle, peau, plume, griffe) en excellente condition ont pu être étudiés; la patte trouvée dans une caverne du mont Owen est particulièrement spectaculaire (figure 5).

Figure 5. Une patte de moa parfaitement conservée a été découverte en 1981 dans une caverne de la région de Nelson, Nouvelle-Zélande. (Crédit : Paquin & Roy-Savard).

Avec des données génétiques de cette qualité, certains chercheurs ont suggéré la possibilité de recréer des moas par clonage. Les moas, comme les dodos († Cucullatus raphus Linnaeus 1758), sont d'excellents candidats pour une telle initiative à cause de la qualité des séquences qui ont été extraites. Peut-être un jour pourrons-nous à nouveau voir courir les moas sur la surface de notre planète. D’ici ce temps, je crois que je vais regarder Parc Jurassique encore une fois.

Auteur : Pierre Paquin

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Publié 
11/9/2023
 dans la catégorie 
Fractalis